16 octobre 2013

Bande Originale : Prisoners

Compositeur : Johan Jóhannsson
WaterTower Music/2013/55:22

Prisoners est la première collaboration entre le réalisateur canadien Dennis Villeneuve et le compositeur Johan Jóhannsson.

Une nouvelle découverte cette année après celle de Ryan Amon. On ne connait pour ainsi dire rien de Johan Jóhannsson. Musicien et producteur islandais, il s’est rapidement distingué dans la sphère de la musique contemporaine en mettant son talent au service d’artistes aux inclinaisons électroniques (Marc Almond, Apparat Organ Quartet). Parallèlement à cela, il a mené, de manière plus confidentielle encore, une carrière au cinéma comme compositeur qui l'a amené vers ce Prisoners, sa première grosse commande pour le cinéma américain.

En terme d’ambiance, et pour avoir un ordre d’idée, celle confectionné pour ce Prisoners se rapproche, par certains aspects, du style désespéré et clinique imprimé par David Juylan sur Insomnia de Christopher Nolan. Ceux qui ont donc une connaissance relativement large de la musicalité dramatique se sentiront en terrain connu sans pour autant renier les très belles qualités du travail fournit par Jóhannsson sur ce thriller, les autres, surtout ceux qui possèdent en eux le chromosome de l’amour pour la mise en son de la tragédie et de la douleur, dévoreront sans doute ce score sans aucune retenue. En première ligne, on retrouve les cordes et le violoncelle qui, une fois n'est pas coutume, renvoie à notre conception occidentale de la solitude musicale. Cet instrument est ici placé systématiquement de manière frontale afin de devenir le moteur principal de l’économie narrative du film, justement basé sur la mise en scène de l'enfermement physique et psychologique des personnages. Le résultat très épurée est le produit de la sensibilité musicale du compositeur, spécialiste de la "mood music" à l’image de Cliff Martinez, avec lequel il a par ailleurs brièvement collaboré sur Wicker Park. Le compositeur islandais performe de façon délicieuse l'iconographie religieuse qui traverse les images composées par Villeneuve grâce au son cristallin du Chrystal Baschett (instrument fétiche de Martinez), parfois supplée par quelques incursions de choeurs, donnant ainsi naissance à une liturgie dramatique d’autant plus envoutante encore quand elle est associée aux cordes (The Candlelight Vigil). A coté de cette gravité élégamment développée, s'intercale discrètement quelques pistes sombres qui font la part bel au suspens policier ainsi qu'aux quelques séquences "chocs", accompagné pour l'occasion d'un sound design rauque (les râles de Surveillance Video, ou les percussions sourdes de The Tall Man en sont de belles illustrations). La performance froide et incarnée de Johan Jóhannsson permet ainsi de prolonger mentalement l’expérience douloureuse offerte par le film. (4.5/5)

Tracklist

01. The Lord's Prayer (2:31)
02. I Can't Find Them (4:09)
03. The Search Party (2:54)
04. Surveillance Video (3:34)
05. The Candlelight Vigil (5:10)
06. Escape (5:44)
07. The Tall Man (2:47)
08. The Everyday Bible (2:23)
09. Following Keller (2:11)
10. Through Falling Snow (2:44)
11. The Keeper (2:49)
12. The Intruder (3:11)
13. The Priest's Basement (2:48)
14. The Snakes (2:51)
15. The Trans Am (2:37)
16. Prisoners (6:59)


2 commentaires:

  1. Excellente chronique pour cette excellente bande originale ! Pas eu l'occasion de l'écouter en entier séparément, mais en effet c'est très épurée, presque solennel, tantôt apaisant tantôt stressant, au sein du film le travail de Johansson fait des merveilles.

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    1. Merci :) Je trouve que l'efficacité de la musique marche tout autant en écoute seule. Mais c'est peut-être aussi parce que j'aime énormément les compo épurée.

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