Réalisateur : John Moore
Il n'est pas question, dans ce modeste billet, de réhabiliter la mémoire de ce Die Hard - Une Belle Journée Pour Mourir, mais de le comprendre, et de montrer en quoi c'est un épisode qui a tenté, certes maladroitement, de transformer les codes d'une saga vieille de quinze ans.
Enfer à Moscou
John Moore n’est pas un très bon metteur en scène, et il est sans doute, avec la complicité évidente de ce génial scribe qu'est Skip Woods, l'un des artisans de ce qu'est devenu ce dernier Die Hard. Mais l’idée, une fois encore, n'est pas de creuser un peu plus sa tombe, mais de montrer que, finalement, il y a de l'idée derrière cette épisode.
Indépendamment donc des défauts présents dans ce film, il convient d’admettre qu’il y a un véritable travail esthétique qui tend à élaborer une expérience qu'aucun autre épisode de la saga Die Hard avait été en mesure de nous offrir jusqu'alors. Cela passe d’abord par la photographie, qui a été confié au chef opérateur français Jonathan Sela, dont c’est ici la troisième collaboration avec John Moore après La Malédiction et Max Payne, deux productions qui ont pour particularité d’incliner leur ambiance visuelle et sonore vers le cinéma de genre. Par ce choix, le cinéaste à tenté d’imprimer un style à Die Hard 5, arborant un éclairage peu naturel, composé de couleurs froides, disparates (avec une prédominance pour le classique vert-de-gris) et incandescentes qui provoquent un sentiment de malaise.
"Quand John et moi sommes rencontré, il avait très peu de chose à dire, sa ligne directrice était de montrer un Moscou malade de la corruption, et la question pour moi était de jouer avec les couleurs pour soutenir cette vision." Jonathan Sela, The Credits (citation ajoutée le 14 septembre 2013).
L’idée de Sela et de Moore était donc de traduire visuellement la corruption des autorités moscovites, de souligner son caractère imparfait, et pour cela, ils ont choisit d'utiliser l'image comme support de cette vision, lens-flare et grain prononcé à l'appui.
"Quand John et moi sommes rencontré, il avait très peu de chose à dire, sa ligne directrice était de montrer un Moscou malade de la corruption, et la question pour moi était de jouer avec les couleurs pour soutenir cette vision." Jonathan Sela, The Credits (citation ajoutée le 14 septembre 2013).
L’idée de Sela et de Moore était donc de traduire visuellement la corruption des autorités moscovites, de souligner son caractère imparfait, et pour cela, ils ont choisit d'utiliser l'image comme support de cette vision, lens-flare et grain prononcé à l'appui.
Le mariage de cette robe visuelle avec la musique de Marco Beltrami, autre fidèle collaborateur du réalisateur, renforce aussi l’impact et la tonalité de cette vague intrigue de complot politique. John Moore bâtit autour de cette trame une ambiance froide, sombre et mystérieuse, fait de meurtres sanglants et d’actes sauvages, jusqu’à la faire basculer dans le registre de l'épouvante lorsque John McClane et son fils aborde les territoires fantômes de la Russie Soviétique de l'après Guerre Froide. Un trip qui se conclue par la fameuse étape à Tchernobyl, qui se métamorphose, sous l'oeil de Moore, en un gigantesque manoir hanté. Il ne faut bien évidemment pas prendre cette comparaison au premier degré, mais essayer de voir et ressentir en quoi ces décors, dans leur éclairage et leur architecture, participe à la construction d'une ambiance lugubre et d'un climat de terreur afin de faire de ce film d'action décérébré une attraction foraine au coeur d'une terrifiante société.
En déplaçant l’action vers un territoire inconnu pour le héros, le cinéaste et le scénariste ont donc aussi voulu proposer un voyage très différent des précédents volets. Le choix du format 1:85, bien que maladroit sur le plan spectaculaire, s’explique malgré tout par cette volonté de faire basculer l'expérience de la saga en même temps que celle du personnage, les grands panoramas New-Yorkais que John McClane maîtrisait jadis se transformant ici en des plans étroits traduisant son incapacité à contrôler son espace.
"Avec la caméra, nous voulions sentir que John McClane était hors de sa zone de confort. C'est la première fois qu'il prend l'initiative d'aller voir ailleurs pour résoudre un problème au lieu de laisser les problèmes le trouver." Jonathan Sela, The Credits (citation ajoutée le 14 septembre 2013)
"Avec la caméra, nous voulions sentir que John McClane était hors de sa zone de confort. C'est la première fois qu'il prend l'initiative d'aller voir ailleurs pour résoudre un problème au lieu de laisser les problèmes le trouver." Jonathan Sela, The Credits (citation ajoutée le 14 septembre 2013)
Quoi de neuf docteur ?
Dans ce Die Hard plus que dans n’importe quel autre, John McClane est un action-man increvable, survivant à toutes les catastrophes et aux plus abracadabrantes des pirouettes. Une débauche de cascade qui peut être vu comme une ultime concession fait au cinéma d'action bas de plafond, ou au contraire, comme la volonté de prendre de la distance avec l'image de super-héros indestructible qu'incarne le personnage principal.
Le témoin le plus évident de cette orientation est sans nul doute le personnage d'Alik, un bras armé qui occupe le rôle du vilain pendant les soixante-premières minutes du film. Outre ses piètres talents de danseur, son principal passe-temps consiste à croquer des carottes crues. On se demande alors bien pourquoi ce légume orange débarque, inopinément, dans la diégése du film si n'est, peut-être, pour créer une distance et de faire de son personnage un "toon", à l'image de Bugs Bunny. On pourrait ainsi multiplier ce genre de parallèle dans ce Die Hard, John McClane devenant, lui aussi, un personnage de cartoon, indestructible, fonçant tête baissé, et arme au poings, dans les embrouilles sans se soucier des conséquences sur vie. Il saute du haut d’un immeuble, fait des cascade avec un camion, arrose généreusement ses adversaires sans prendre la peine de se mettre à couvert, et se ballade cul nu dans une ville connu pour être mortellement radioactive. Comme Droopy, il nous assène régulièrement son « je suis en vacance » comme la marque de son identité, éphémère, de poisson hors de l’eau, jouant au chat et à la souris avec les méchants terroristes lors d’une poursuite fleuve (10 minutes, montre en main) à la périphérie de Moscou.
John Moore tire là un trait sur la tension sèche et ce réalisme "à hauteur d’homme" qui irriguait les trois premiers Die Hard (le quatrième opus, réalisé par Len Wiseman, amorçant déjà ce basculement vers l'outrance pyrotechnique), reposant l'ensemble de sa structure sur des scènes spectaculaires auxquelles s’adjoint une microscopique intrigue de complot politique ne servant ici que de "simple contexte" à ce qui reste avant tout un défouloir sur pellicule. S'il doit être apprécié, ce cinquième volet doit être vécu comme une immense poursuite type Bip Bip & Vil Coyote ou Tom & Jerry, et non comme un film à scénario, voir même comme un Die Hard, sa construction et son héros n'ayant désormais plus rien à voir avec les opus préparés par John McTiernan et Renny Harlin. Mais, même en adoptant cette position, cette nouvelle orientation ne fonctionne qu'à moitié, les intentions n'étant pas clairement assumé par John Moore pour permettre au spectateur d'accueillir plus chaleureusement cette Belle Journée Pour Mourir.
P.S. : Pour ceux que la Director's Cut intéresse, sachez qu'elle ne change en rien la qualité du film. Mise à part quelques plans supplémentaires lors des scènes d'action, le seul changement notable est la disparition totale de la fille de John McClane, interprétée par Mary Elizabeth Winstead.
Intéressant dossier ! Le changement du format 2.35 au 1.85 à déclenché une colère noire chez moi, pensant que Moore n'avait rien compris au mythe et choix de dispositifs de la saga, mais maintenant que tu parles d'un nouveau territoire russe inconnu et incontrôlable, je vois cela d'un autre œil. Je conserve l'idée que ce film reste un navet, mais j'avoue que ton excellent article me pousse à revisionner le film.
RépondreSupprimerAllez 2flics, le prochain dossier : le ciné de Michael Mann, hein ;)
Lol je vais essayer le dossier sur Michael Mann :)
SupprimerPour Die Hard, je reste également sur ma position, à savoir qu'il est très mauvais. Ce que je voulais avant tout avec ce dossier, c'est montrer que l'on peut toujours tirer quelque chose d'un film, même s'il est mauvais. En tout cas, j'ai essayé.
Bien essayé, c'est tout à fait cohérent !
SupprimerMerci :)
SupprimerSi L'aube rouge a son lot d'invraisemblances (notamment son postulat de départ revu au montage totalement improbable), Die Hard 5 est le film qui a le plus d'erreurs que j'ai vu cette année. Et ton dossier ne me fera jamais changé d'avis malgré que cela soit plutôt bien amené (je pense notamment sur la seconde partie). Que ce soit la baie vitrée finale qui arrive d'on ne sait où alors que l'hélico s'écrase à côté d'eux. Que ce soit la présence invisible de la police qui se résume à deux mecs se faisant dessouder. Que ce soit cet engin improbable qui permet d'éradiquer la radiation entière de Tchernobyl. Que ce soit ces mecs torse nu alors que Tchernobyl bah il fait pas trop chaud là-bas. Que ce soit ce scénario, pardon ce ramassis de merde qui essaye de prendre le spectateur pour un imbécile avec des retournements de situation grossier. Que ce soit cette jeep qui permet de retourner un camion. Que ce soit cette dénaturation totale de McClane qui en fait comme tu le dis un mec indestructible alors qu'il est en sang dans la trilogie de base. Que ce soit le changement de format tout simplement lamentable et par ailleurs, ta théorie peut être contredite vu que dans Piège de cristal il ne connait pas non plus le bâtiment. ;) Non franchement on tient bien la purge number one de 2013 et ce depuis février.
RépondreSupprimerÉvidemment, c'est une analyse, et loin de moi l'idée d'essayé de réhabiliter Die Hard 5, ou de faire changer d'avis les lecteurs alors que je trouve, moi aussi, que ce film est extrêmement mauvais.
SupprimerCe dossier, j'ai voulu le faire avant tout pour montrer qu'avec un peu d'objectivité, on peut avoir un point de vue plus "sensible" sur un film, même si on le déteste, qu'on le trouve affreux, mauvais, horrible, répugnant. Franchement, en plus d'être inutile, cela aurait été trop facile de faire un dossier sur ce que John Moore à raté dans son film, de pointer les défauts que des centaines d'autres personnes ont listés dans leur chroniques (je m'inclue logiquement dans ce groupe, je ne suis pas mieux que les autres). J'ai préféré essayé de comprendre ou le réalisateur a voulu en venir, et de trouver à ce métrage une certaine cohérence.
Pour le format, je comprend ton argument (je m'y attendais un peu), mais, dans ma logique, je ne parlais pas forcément d'un endroit précis comme un immeuble ou un aéroport. Les quatre premiers épisodes se situent aux Etats-Unis, et même s'il ne connait pas toujours les lieux que McClane arpente, ils ont tout de même, pour lui, un air "familier". En revanche, ce n'est pas le cas dans ce dernier volet : en plus de la langue, le personnage n'est pas franchement maitre de son espace. D'ailleurs, certains plans d'ensemble le perdent dans l'environnement urbain dans lequel il évolue (j'essaye de défendre mon analyse comme je peux, hein ;)).
De toutes manières, ton intention est tout ce qu'il y a de plus louable. Par ailleurs, j'avais passé toute la soirée après que j'ai vu ce film à dévoiler la plupart des défauts du film allant des invraisemblances aux faux-raccords en passant par l'intrigue saugrenue ou les nombreux plans supprimés des bandes-annonces (et qui si j'en crois Nicos31 n'ont pas été rajouté depuis!).
SupprimerPour le reste, c'est quand même de l'inconnu en sachant qu'il ne visite pas Los Angeles mais est dans Los Angeles à un point précis.
Je te confirme aussi qu'ils n'ont pas été rajouté.
SupprimerOh! Alors ça c'est courageux.
RépondreSupprimerC'est effectivement un John MacClane plus "immortel" - au contraire du 4e opus et un peu comme dans "Une journée en enfer". Celui-ci abuse d'ailleurs de cette nouvelle donne et trop de gags tournent autour.
Mais, comme tu le souligne en fin d'article, on retrouve finalement une "humanité" le rapprochant des trois premiers opus, après un autre qui la parodiait justement (et où MacClane était enfermé dans ce personnage laborieux de vieux papa ringard ; là où il est, avant tout, un homme précipité dans l'action avec "Belle journée pour mourir" - qui croit à ses petites affaires persos et familiales, de toutes façons ?).
Justement, pour le côté immortel, je trouve, au contraire, que ce Die Hard 5 est davantage à l'image du 4eme opus, qui jouait, plus encore que les trois précédents épisodes, sur le caractère indestructible du personnage.
SupprimerEnfi, je n'y avais pas forcément pensé, mais c'est vrai que Belle Journée Pour Mourir revient à ce contexte de l'homme précipité dans l'action, ce qui était le cas des trois premiers volet et moins du quatrième avec, effectivement, cette histoire de fille à reconquérir. Après, ce que je reproche ici, c'est qu'il s'y précipite de lui même, ce qui n'était pas le cas avant, où les évènements le poussait à l'action.
Cela donne un héros plus bourrin, et qui perd de son humanité parce qu'il ne semble ne plus avoir conscience de ses faiblesses d'être-humain.
Ta théorie "cartoon" se tient très bien je trouve, même si effectivement, elle ne sauve pas le film du semi-ratage. On est loin de la tenue des trois premiers épisodes, et celui-ci a surtout cherché à prolonger la franchise en introduisant le personnage du fils McClane qui va prendre la relève du futur plan marketing !
RépondreSupprimerMerci :)
SupprimerJe n'espère pas que le fils McClane, en tout cas tel qu'il est montré dans cet opus, incarne l'avenir de cette saga. On courrait tout droit à l'échec.
je découvre votre blog que je trouve très intéressant et instructif, merci. ma petite contribution pour ce film : pour moi c'est le film de trop dans la série Die hard....
RépondreSupprimertrop c'est trop, ça sent le réchauffé commercial à grand coup d'effets spéciaux, de poursuite et d'explosion. Bruce Willis a vieilli, le concept aussi je trouve.
Tout à fait d'accord. La saga atteint son point critique avec cet opus.
SupprimerMerci d'être passé :)
Passionnant. N'ayant pas vu ce film considéré par beaucoup comme très mauvais, je l'envisage désormais avec une certaine curiosité, d'autant que certains de tes arguments brossent mon intérêt dans le sens de la pellicule. Envisager l'actioner comme un toon est en effet une démarche tout à fait symptomatique d'un certain nombre de films d'action américains depuis quelques temps (Le dernier MI par exemple), déjà amorcée pour la franchise dans le déluge pyrotechnique bad-ass du précédent volet (qui me ravit toujours après maints visionnages). Reste que la perspicacité que tu as mise au service d'un film sans doute mineur laisse augurer de futures analyses plus passionnantes encore au service de titres écrits en majuscule dans le grand livre du septième art. ;)
RépondreSupprimerMerci :)
SupprimerTu peux toujours découvrir ce dernier Die Hard. Cela ne mange pas de pain et, au pire, tu aura perdu 90 minutes de ton existence. Surtout que j'aimerais bien avoir ton avis sur celui-ci.
Pour ce qui est de Die Hard 4, je l'aime bien aussi, j'ai beaucoup de sympathie pour cet opus, même si il y a, selon moi, des choses à revoir (le méchant, l'intrigue avec la fille de McClane).
Je respecte le travail de Sela sur les quelques beaux plans du film, les scènes comme celle de la chute de l'hotel sont particulièrement impressionnantes (meme si assistées par ordi), et elles viennent plomber davantage l'atmosphère comme tu l'as si bien décrit. De plus les quelques plans "ésotériques" de Max Payne étaient picturalement intéressants. Mais hélas ce n'est pas assez pour sortir l'opus du registre du dispensable.
RépondreSupprimerIl est temps que la Fox se mette à rengager des metteurs en scène à la Fincher.
Sela à beaucoup de talent, c'est juste dommage qu'il soit au service de John Moore.
SupprimerPour la Fox, c'est clair qu'elle n'a pas beaucoup de talent entre ses murs. Heureusement qu'elle a James Cameron et, de temps en temps, Ridley Scott.
Idem que Princécranoir... tout ça me donne une furieuse envie de le découvrir ! Même pas peur !
RépondreSupprimerFaut pas avoir peur. Il passera surement dans quelques mois sur Canal, c'est le genre de film que ces dirigeants aime programmer.
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