20 novembre 2013

Film : Hannibal

Hannibal (2001)

Réalisateur : Ridley Scott
Genre : Thriller

Synopsis :

Depuis des années, le milliardaire Mason Verger, la seul victime qu'Hannibal Lecter a laissé en vie, désire à tout prix se venger. Pour cela, il contacte l'agent Clarice Starling, en espérant qu'elle lui fournisse les informations nécessaire à la capture du docteur Lecter.


Ridicule, grotesque, indigne de l’héritage porté par le thriller carcéral de Jonathan Demme, Hannibal a très vite été conduit vers sa potence par les critiques. Pourtant, c’est bien cette outrance baroque qui fait tout le charme de ce conte opératique, levant son rideau sur les reliques convoitées par une monstrueuse victime (méconnaissable Gary Oldman) pour se refermer sur le regard complice d’une Bête en fuite. Avec cette scène d'ouverture, prolongé par un générique très graphique, Ridley Scott affiche sa volonté de tourner la page du passé, de ne pas recourir aux mêmes ficelles employées par son prédécesseur afin faire émerger de cette nouvelle hiérarchie, l’imagerie dénotée par le vocabulaire et l'environnement culturel de ce tueur. Hannibal Lecter est ainsi devenu conservateur par intérim d'un musée florentin. Un statut qui le sort de sa posture de serial-killer manipulateur pour, sous la plume d’une liberté de mouvement retrouvée, revêtir celle d'une proie agressive, cible de la vanité et de la faiblesse d’esprit des chasseurs mandatés par le machiavélique Mason Verger. De l'autre coté de l'Atlantique, la Belle Clarice Starling est devenue l'ombre d'elle-même, enfouit au fond d'un vulgaire sous-sol pour nous être révélée comme l'objet de la pulsion scopique de ses collègues et de son libidineux supérieur. Plus qu'un thriller aux mises à mort flamboyantes, Hannibal porte de façon souterraine l'expression d'un amour courtois incarné par la passion dévorante et délicate (parfum et robe à l'appui) du docteur pour son agent du FBI et que l'on devine, par instant, réciproque. La mise en scène fait, elle aussi, entrer définitivement le héros dans une ère nouvelle, celle du raffinement spectaculaire, du gore onirique, du super-techno-thriller à vocation artistique rampant sous les pavés humides d’une Florence torturée pour déboucher sur les forêts boisées et brumeuse de Virginie, nouveau théâtre de Dante au sein duquel se rencontre, autour d’une coquette tablée, le grotesque, le romanesque et la tragédie. Hannibal nous éclabousse ainsi de son élégance, de ses figures confluant autour des références phares de la littérature Florentine pour ré-interpréter les personnages et le style de la franchise. Une divine comédie macabre qui prend fin sur un mémorable sacrifice, ouvrant la saga sur des imbrications sentimentales et morales que l'on imagine passionnantes. (4/5)


Hannibal (États-Unis, 2011). Durée : 2h05. Réalisation : Ridley Scott. Scénario : Steven Zaillian, David Mamet. Image : John Mathieson. Montage : Pietro Scalia. Musique : Hans Zimmer. Distribution : Julianne Moore (l'agent Clarice Starling), Anthony Hopkins (Hannibal Lecter), Gary Oldman (Mason Verger), Giancarlo Giannini (l'inspecteur Rinaldo Pazzi), Ray Liotta (Paul Krendler), Frankie Faison (Barney), Zeljko Ivanek (le docteur Cordell).

26 commentaires:

  1. Plus les années passent et plus ce film gagne en qualité, c'est comme du bon vin. À sa sortie je n'ai pas du tout aimé, mais aujourd'hui mon avis s'accorde tout à fait au tiens. Très bonne critique.

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    1. Je me retrouve dans ton cas. Pour moi, aussi, le film a gagné en intérêt au fil des années.
      Merci pour le compliment :)

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    2. Il faudrait que j'y rejette un oeil alors, je n'ai pas vraiment accroché au début...

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    3. Effectivement, peut-être qu'une seconde vision te fera changer d'avis.
      Merci de ta visite :)

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  2. Un seul petit bémol : j'aurais gardé la toute fin originelle du film, celle où Clarice et Lecter terminent ensemble, "amoureux". Sinon 100% d'accord avec toi, et le film va devenir un classique, j'en suis sûr, et ce ne sera que justice.

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    1. La fin envisagée au départ était vraiment osée, et j'aurais bien aimé voir l'effet qu'elle aurait produit à l'image. Mais j'aime beaucoup le "non-accomplissement" de l'amour comme il est envisagé dans cette version. Se couper une main, c'est tellement plus romantique ;)

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  3. Pour ma part, une suite très décevante qui se résume finalement à une banale histoire de vengeance

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    1. Sauf que ce qu'il y a de passionnant, c'est tout ce qui a autour de cette vengeance. Mais bon, je sais que tu ne changeras pas d'avis sur ce film (et loin de moi l'idée de t'y pousser) :)

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  4. A l'image d'Olivier pas aimé ce film. Je préfère même Dragon rouge sorti après c'est dire. Ici on est dans le grand-guignol systématique et on n'est jamais dans l'angoisse comme avec Le silence des agneaux ou la série Hannibal. C'est gore pour pas grand chose preuve en est avec Ray Liotta qui bouffe son cerveau. Finalement je comprends pourquoi Jonathan Demme et Jodie Foster n'ont pas suivi.

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    1. Je dirais pas grand guignol, mais grotesque et outrancier - ce qui revient presque au même ou presque. C'est mon coté pinailleur qui ressort :)
      Hannibal, c'est vraiment une toute autre atmosphère et ambiance parce que ce n'est pas le même réalisateur. On aime ou pas.
      Par contre, Dragon Rouge, je t'en fait cadeau.

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    2. Bah grand-guignol... Ce n'est pas la question du changement de réalisateur qui pose problème. Tu me dis Ridley Scott sur un film avec Hannibal Lecter je m'excite, tu me dis Brett Ratner je soupire. C'est que l'histoire est nulle! Hannibal déhambule dans Florence, tue un flic et sa femme en vidant ses tripes et revient comme un con aux States pour finalement être emmerdé par une de ses anciennes victimes et éventuellement par sa chère Clarice. Résumé en une ligne! Par ailleurs, si Demme n'a pas voulu faire le film c'est notamment parce que le roman était mauvais. Et quand le roman est mauvais, en général cela ne donne pas une bonne adaptation. Ce sera pareil avec Les origines du mal. Pour Dragon rouge, je crois te l'avoir déjà dit, cela reste mauvais mais entre la peste et le cholera...

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    3. Le réalisateur à opté pour cette vision d'Hannibal, pour son caractère "grandiloquant" et "emphatique" (du, en partie, à ses références culturelles) en mettant de coté cette retenue que l'on avait vu dans le film de Demme, produit en grande partie par l'internement dont il fait l'objet. Dans Hannibal, il retrouve une liberté de mouvement qui se traduit par un lâché prise. Je trouve cela cohérent et cela donne de la densité a cette intrigue qui, sur le papier, est effectivement très classique.
      Qu'est ce que Collateral si ce n'est l'histoire d'un taxi qui est pris en otage par un tueur . Pourtant, tu es d'accord pour dire que le film ne se résume pas qu'à ce pitch, et que la mise en image et les dialogues apportent une dimension supplémentaire à ce qui est pourtant un simple thriller.

      On aime le style de ce Hannibal ou pas, mais on ne peut pas le réduire à un thriller sans profondeur.

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    4. Justement Scott se prend pour l'Argento de la grande époque (donc au moins de l'époque de Ténèbres) avec beaucoup de violence grandiloquente dans les meurtres. Sauf que ça n'avait rien de fun dans les films d'Argento et ce malgré l'aspect très fluo du sang. Collateral a d'autres atouts pour lui notamment la vision du monde urbain, le tueur qui est en fait comme ce loup errant (ce qui concorde avec la chevelure et le costume de Cruise) et le conducteur est sans cesse dans le dilemme moral de laisser faire ou ne pas se laisser faire. Or là, non seulement les dialogues ne mènent à rien et surtout le film ne raconte absolument rien. C'est un film reposant sur deux parties franchement distinctes et qui ne marchent pas. Cela se présente comme un déluge de gore (défaut aussi de son film suivant, La chute du faucon noir), mais ça ne raconte rien. Encore une fois, cela se reflète avec le roman jugé mauvais par à peu près tout le monde et le film ne le sauve pas du naufrage.

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    5. Mais il y a du dilemme ici. Clarice Starling est en plein questionnement, elle s'interroge quant à la nature de sa relation avec Hannibal.
      Enfin, Hannibal Lecter est tout aussi connoté que le personnage de Vincent dans Collateral. C'est un justicier à l'aura quasi divine (cette façon dont la nature - les corbeaux - dessine son visage dans le générique d'ouverture), et le couple qu'il forme avec l'agent Starling, c'est la Belle et la Bête. La vision du fantastique, du conte est aussi très important dans Hannibal, autant que celle du microcosme urbain dans Collateral.

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    6. Ah bon? Désolé pour la pauvre Julianne Moore, mais son personnage est vide! D'ailleurs, le montage l'abandonne durant toute la partie vénitienne et n'est seulement présente que par de vulgaire coup de téléphone. Quand je vois le film je comprend très bien pourquoi Jodie Foster s'est désistée! Hannibal un justicier? Ah bon. Ici je le vois surtout comme un guignol boudinné qui tue deux flics et de temps en temps un mec essaye de le tuer parce qu'il l'a défiguré. Voilà! Alors oui c'est la Belle et la bête mais encore faut-il avoir les moyens de le montrer de manière crédible. Or, la grandiloquence du film le rend ridicule. Je cite une nouvelle fois la séquence de Liotta. Mais où est l'intérêt de cette séquence involontairement drôle? Déconcerter Clarice? Sauf qu'elle connait à peine ce type!

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    7. Je n'ai rien de plus à te répondre que ce que j'ai déjà exprimé dans mon article et dans les commentaires. C'est comme cela que j'ai interprété la mise en image, la mise en scène et la narration appliqué par Ridley Scott sur cet Hannibal. Je pense qu'il n'est pas cette coquille vide que tu décris.

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    8. Moi si. C'est pour moi un des plus mauvais films de Scott qui se prend pour Argento première époque (donc Suspiria et pas Dracula 3D) mais finit par être ridicule. Et Hopkins cabotinne à mort. Comme je l'ai dit, Dragon rouge ne m'a pas plus convaincu mais je le trouve déjà moins vulgaire. Quant à la série, elle se focalise trop sur des épisodes à enquêtes mais la liaison entre Hannibal et Will Graham est plutôt bien traitée.

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  5. Le plus dur, c'est qu'en dehors de la fin (imposée pour une question de "moralité" complètement extérieure au récit), le film respecte vraiment l'oeuvre de Thomas Harris, autant dans l'esprit que dans la forme (il atténue toutefois un poil la violence, évacuant bon nombre de victimes de Lecter). C'est surtout dans l'esprit que cet Hannibal se révèle être un grand film : il embrasse totalement le point de vue d'Hannibal, se pare de son raffinement, adopte les références de son principal prédateur... Hopkins interprète complètement son personnage, en lui offrant ses plus belles heures de gloire (il n'est plus simplement un esprit confiné derrière une glace). La grandiloquence de la mise en scène va de pair avec les goûts de ce bon docteur (ce banquet final... exactement à l'image des meilleures interventions d'Hannibal. Au déjeuner, foie d'un piètre flûtiste, au dîner, cervelle d'hypocrites aux oignons fris.
    L'hommage aux giallos est dilué, dans le fond (franchement, on n'en aurait jamais parlé si l'intrigue s'était située ailleurs qu'en Italie), c'est clairement la romance diffuse qui prédomine, finissant par emplir complètement la seconde partie du film. Le coup des chaussures est souvent resté incompris je crois. Dans les livres, Clarisse n'a pas de chaussures élégantes, une partie de conversation tourne autour de cela (et dans Le silence... de Demme, une seule réplique : " Je ne crois pas que la réponse soit dans vos chaussures de quatre sous, Clarisse."). Raffinement est de toute façon le maître mot de cette suite inespérée.

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    1. Nous sommes donc sur le même longueur d'onde, et ça fait plaisir :)
      Pour le giallo, franchement, je n'y aurais pas penser si Borat n'en n'avait pas parlé. Ce que j'ai retenu du film, c'est l'esprit de l'art italien classique.
      Comme toi, je trouve qu'il y a une vraie cohérence dans entre ce qui est proposé et ce qui est montré. C'est en cela que le film est réussit.

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    2. Bah écoute quand j'ai vu Suspiria (et ça se confirme dans certaines morts de Ténèbres et Les frissons de l'angoisse à la fois jouissive et dégueulasses) et que j'ai repensé à Hannibal, ça m'a sauté aux yeux.

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  6. Moi j'aime ce film, et na. Je l'ai toujours aimé, je trouve Florence et Hannibal ensorcelants ! Et tant pis pour ceux qui disent que le film est grotesque.

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    1. Le grotesque n'est pas forcément un gros mot (en tout cas dans ma bouche). Ici, je trouve que cela densifie davantage l'ambiance que Ridley Scott à voulu construire pour cet épisode.

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  7. Aah, enfin une bonne critique sur "Hannibal"! je commencais à désesperer, tout le monde disant qu'il est affreux! Trainer dans la boue ce thriller sophistiqué, porté par le si suave Hopkins, quel sacrilège. Entre l'academisme de Demme et le "grotesque" de Scott, je ne peux pas choisir, mais chaque opus correspond définitvement à l'époque où ils ont été produits. :)

    Et puis ce n'est réalisé par Brett RATNER! :D

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    1. Finalement, quand tu regardes les com., on n'est pas tant que cela à le détester, cet Hannibal. Comme tu le dis, chaque opus possède sa personnalité, à part celui de Brett Ratner.

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  8. J'avais aimé la première fois que je l'ai vu, c'était au cinéma d'ailleurs... et plus le temps passe plus je lui trouve des qualités. Un excellent film, un peu en déca du film original mais vraiment réussit. je comprend que l'on puisse ne pas aimé, moi j'ai vraiment accroché...et j'avoue avoir beaucoup d'attachement à la performance de julianne moore dans le rôle de starling.

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    1. En même temps, difficile de ne pas aimer Julianne Moore ;)

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