Réalisateur : Allen Hughes, Albert Hughes
Genre : Science-Fiction
Synopsis :
Eli, un mystérieux voyageur qui a en sa possession le dernier exemplaire de la Bible, rencontre Carnegie, un "maire" qui cherche à tout prix à obtenir cet ouvrage afin d'asseoir son autorité auprès de la population.
Depuis sa naissance, le cinéma américain puise sa force d’évocation dans la religion chrétienne, parfois pour remettre en cause le fanatisme qu'il produit chez certains fidèles, bien souvent pour donner une puissance symbolique aux images et aux personnages qu'il produit. L’odyssée de cet élu dans les décombres d'un pays ravagé par la guerre sème sur son chemin une série d'icônes et de symboles justifiés par la nature même de l’objet que ce voyageur transporte dans ses bagages. En effet, ce héros ordinaire, survivant comme beaucoup d’autres dans un désert de cendres peuplé de cannibales et de routier du crime, nous est révélé, très vite, comme un prophète, un messie, portant avec, et en lui, le dernier exemplaire des saintes écritures bibliques. L'instinct de survie, celle d'hommes et de femmes lutant pour le contrôle des ressources et de sa survie, se soustrait chez cet homme à une survie spiritualisée, sa marche quotidienne étant motivé par cette obscure foi que l'on devine divine. La mise en scène des frères Hughes étoffe alors cette quête d’une musique atmosphérique et de ralentis léchés, compagnonnage emphatique à un périple qui ne l’est pas moins à nos yeux. Le duo s’adonne à des performances graphiques brûlantes, que l’on peut trouver terriblement ampoulées ou carrément sublimes, dans le but de nous faire accrocher aux perspectives mystiques posées par le scénario. Gonflé à l'eau bénite, le film aurait très bien pu tomber dans la leçon de morale indigente. Sauf que pour les cinéastes, ces saintes écritures sont autant l’oeuvre matrice des pensées religieuses occidentales qu’un objet de masse (le premier livre imprimé mécaniquement et ouvrage le plus vendu au monde) placé aux côtés d’autres valeurs culturelles qui ont contribué à l'élaboration d'une image de l'Amérique dans le monde (le western, le road movie, la bande dessinée). À travers leur incandescente esthétique, Albert et Allen Hughes donnent donc à reconstituer les mythes fondateurs de cette société afin de lui redonner une nouvelle direction à suivre qui ne sera incarné ni par les pulsions totalitaires de Carnegie (superbe Gary Oldman), ni par la démarche secrètement individualiste d’Eli (Denzel Washington, impeccable), mais par la dévotion de la jeune Solara (Mila Kunis). Malgré tout, Le Livre D'Eli opposera les spectateurs qui, au crépuscule de cette aventure dystopique riche en émotion, tirera ses propres conclusions. D'aucun le trouveront excessivement prosélyte et laid. D'autres, comme moi, y verront une ode fiévreuse à la transmission et à la spiritualité. (4.5/5)
The Book Of Eli (États-Unis, 2010). Durée : 1h49. Réalisation : Albert Hughes, Allen Hughes. Scénario : Gary Whitta, Anthony Peckham. Image : Don Burgess. Montage : Cindy Mollo. Musique : Atticus Ross. Distribution : Denzel Washington (Eli), Gary Oldman (Carnegie), Mila Kunis (Solara), Ray Stevenson (Redridge), Jennifer Beals (Claudia), Malcolm McDowell (Lombardi)
D'accord en tout points, un film qui divise (je me rappelle encore les divergences d'opinion avec des amis à la sortie de la salle), on accroche ou pas à l'esthétique et au contenu narratif, et tout comme toi j'ai pris un pied d'enfer devant ce spectacle jouissif.
RépondreSupprimerEt puis franchement, Gary Oldman est génial dans ce film. J'adore cette acteur quand il joue les méchants.
SupprimerBelle analyse dialectique. Je reste pour ma part dans le clan hostile au prêchi-prêcha de ce Zatoichi post-apo.
RépondreSupprimerJe ne suis guère étonné puisque tu avais déjà fait part de ton hostilité sur le blog de Chonchon il y a de cela quelques mois.
SupprimerD'ailleurs, simple question, mais est ce que tu l'as revu depuis ?
Non, pas revu. Mais j'ai gardé en mémoire toutes ces scènes à l'exubérance gratuite qui m'ont profondément irrité.
SupprimerAu moins, il t'a marqué ;)
SupprimerPas revu depuis mais un bon petit post-apo qui lorgne du côté de Mad Max et de la Bible de manière habile. J'en attendais rien à sa sortie et j'ai passé un excellent moment.
RépondreSupprimerOn en attendait rien, d'autant plus que la critique l'a bien descendu à sa sortie.
SupprimerNotamment des mecs comme Studio Ciné Live. Mais bon faut dire qu'en dehors de leurs films français interchangeables...
SupprimerJe suis bien d'accord la dessus.
SupprimerVu sous le seul angle Film post-apo ça le fait carrément en ce qui me concerne.
RépondreSupprimerC'est vrai qu'on peut se défaire du côté religieux, mais je pense que ça reste difficile.
SupprimerTu remplaces la bible par le Coran, la Torah ou le Zabur, c'est pareil, au final le livre atterrit dans une bibliothèque sur une étagère noyé au milieu de tous les autres.
SupprimerC'est pas faux.
SupprimerMouaif, tout comme Prince, moyennement convaincu par ce film post-apocalyptique très influencé par le western spaghetti
RépondreSupprimerJ'ai effectivement cru comprendre que tu avais un peu ravisé ton avis depuis que tu l'avais découvert à sa sortie.
SupprimerPour ma part, j'ai vraiment aimé. Le discours religieux ne m'a pas choqué : la spiritualité fait partie de l'homme, et n'importe quel bouquin fondateur de religion aurait pu fonctionner. L'homme a besoin de magie pour l'aider à vivre.
RépondreSupprimerJe suis tout à fait d'accord, d'autant plus que le film n'amène pas ce discours sans raison.
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