3 octobre 2013

Film : Rush

Rush (2013)

Réalisateur : Ron Howard
Genre : Action, Drame

Synopsis :

Dans les années 70. La carrière de James Hunt et Niki Lauda, deux coureurs automobiles rivaux.



Les courses automobiles ont rarement passionné les producteurs et les spectateurs. Deux onéreux essais (le réalisme documentaire arboré par Le Mans, la fresque dramatique Grand Prix), et une petite poignée de productions qui ont régulièrement alimenté les podiums des pires navets jamais réalisés (Michel VaillantDriven) ont donc très vite scellé l’avenir de ce sport sur grand écran. Cinéaste talentueux à la filmographie loin d’être irréprochable, Ron Howard, qui fit jadis courir une Smart dans les ruelles de Paris, s’introduit dans les paddocks d’un genre maudit pour lui redonner ses lettres de noblesse. Le voir ainsi prendre le volant sur le macadam détrempé de la fresque automobile, qui plus est construite autour de deux légendes de la Formule 1 que sont Niki Lauda et James Hunt, avait sérieusement de quoi terrifier le plus téméraire des cinéphiles. Des craintes à la hauteur de la surprise qu'il nous est donné de voir aujourd'hui. On savait le réalisateur très à l’aise dans l’exercice du biopic, mais il fait montre, avec Rush, d’une mise en scène de la passion sans commune mesure avec ses précédentes productions. Soutenu par les efforts du scénariste Peter Morgan (Le Dernier Roi D’Ecosse, The Queen, Skyfall, et Frost/Nixon du même Howard), le cinéaste parvient à négocier les courbes sinueuses d’un sport humainement plus complexe que ses apparences veulent bien nous le laisser croire. Les courses, l’argent, les relations entre les pilotes, leur rapport à la vie, à l’amour, et aux risques, tout y est décrypté avec un brio dont on ne savait plus capable le réalisateur. Pendant près de 120 minutes d'une course sans temps mort, Eros et Thanatos s’embrassent au coeur d’un ballet formellement époustouflant, au sein duquel l’amour des sensations plonge ses mains enflammées dans l’ombre effrayante et séduisante de la mort. Jusque-là, seul Lee Katzin et Steve McQueen étaient réellement parvenu à aborder de front ce paradoxe dans l'indispensable Le Mans, et parvenir à égaler, voir même à surpasser cette référence incontestée du genre est littéralement vertigineux. D’autant plus que Ron Howard ne sacrifie rien au spectaculaire, et s’il baisse parfois la garde (la frontalité du calvaire hospitalier de Niki Lauda), ses images nourrissent davantage encore sa vision extrême de cette discipline, ainsi que les portraits croisés des deux idoles, par ailleurs portées par deux excellents acteurs. Explosif, électrique, mais terriblement humain, Rush est sans aucune doute le meilleur film de Ron Howard, et l’une des plus belles oeuvres qu’il nous a été donné de voir cette année. (5/5)


Rush (États-Unis, 2013). Durée : 2h03. Réalisation : Ron Howard. Scénario : Peter Morgan. Image : Anthony Dod Mantle. Montage : Daniel P. Hanley. Musique : Hans Zimmer. Distribution : Chris Hemsworth (James Hunt), Daniel Brühl (Niki Lauda), Olivia Wilde (Suzy Miller), Alexandra Maria Lara (Marlene Lauda), Pierfrancesco Favino (Clay Regazzoni), Christian McKay (Lord Hesketh), Julian Rhind-Tutt (Anthony Horseley), Colin Stinton (Teddy Mayer), David Calder (Louis Stanley).

16 commentaires:

  1. Peter Morgan avait déjà porté chance à Ron Howard avec Frost/Nixon, c'est encore le cas avec Rush. Cela part comme un biopic sur la F1 et finalement on est dans une poursuite permanente entre deux êtres prêts à en découdre pas pour la gloire, mais pour devenir le meilleur. Lauda et son perfectionnisme maladif, Hunt et son manque de reconnaissance constant. Brühl et Hemsworth signe un duel au sommet, où les courses ne sont plus des courses mais des poursuites. Et c'est en cela qu'Howard a vraiment marqué des points. Décidemment, l'année 2013 n'a pas fini de dévoiler ses surprises.

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    1. Peter Morgan confirme aussi que c'est un grand scénariste. Son Au-Delà était définitivement une erreur de parcours.

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    2. Entretemps, il a scénarisé Skyfall, il s'était sauvé la mise. Mais c'est vrai qu'Hereafter quelle catastrophe.

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  2. De même que toi, ce film a été une très agréable surprise. Je suis pourtant pas un grand fan de Formule 1, mais là, chapeau le rouquin ! Superbe réalisation, des acteurs très concernés (Daniel Brühl confirme et Hemsworth étonne dans un rôle consistant). Une belle réussite !

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    1. Franchement, qui pouvait s'attendre à ce qu'un film de F1 réalisé par Ron Howard soit un grand film ? Rush est vraiment LA grosse surprise de cette année.

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  3. Eh bien, quel éloge ! Après celui de Borat, voilà qui place "Rush" parmi les films à voir du moment semble-t-il.

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  4. Pas vraiment le film de l'année pour moi, mais pour sûr une excellente surprise et je plussoie ta chronique. En effet en pile deux heures Howard aborde une telle multitude de choses, c'est surprenant et vivifiant, perso je suis pas un fan de ce sport à la base mais ça m'a donné envie de suivre un peu plus.

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    1. Moi non plus, je ne suis pas du tout féru de F1, pas sûr que je m'y mette non plus, mais je porte un regard moins bête sur ce sport désormais.

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  5. Franchement, j'ai été épaté! Un renouveau du film de course auto, au moins au niveau de Le Mans. A la fois technique et respectueux de l'histoire (à l'anecdote près) pour le bonheur des fans comme moi et compréhensible pour le profane, Rush utilise la F1 au service d'une histoire humaine, comme catalyseur d'une rivalité entre 2 pilotes/personnes que l'approche du sport oppose malgré leurs points communs (origines, désir de victoire et de reconnaissance).

    La réalisation est dynamique et lisible, tout au plus regrettera-t-on 2-3 SFX visibles ainsi que des prises de vue sur circuits qui ne correspondent pas toujours (Monza à l'envers ou des arbres sur le bord de la piste de Fuji, Reggazoni qui n'a que la moustache de commun, quant à Montezemolo, je ne l'ai même pas reconnu). Mais je chipote là, tellement c'est surpassé par le plaisir de revoir les vraies voiture en pistes, l'émotion et la tension qui imprègne le film du début à la fin (assez rare pour le souligner). De plus, les références au réels ne manquent pas: de plans identiques à des photos d'époques en passant par l'intégration d'images d'archives.

    En outre, la dualité est présentée sans être manichéenne et le film s'équilibre entre la course et le développement des personnages. Développement qui s'appuye sur d'excellents acteurs ainsi que sur la ressemblance physique de Bruhl avec son modèle. Hemsworth étonne par sa profondeur qui occulte le physique moins proche. Et tous deux sont admirablement servis par des dialogues très bien écrits.

    Je pense que la frontalité des l'hospitalisation est nécessaire pour comprendre par quoi le pilote est passé. C'est hautement dérangeant (j'ai eu l'estomac retourné), mais on éprouve enfin un peu d'empathie pour ce pilote calculateur. Et les séquences sont également basée sur l'autobiographie de Lauda, sa description des événements. Alors oui, il faut montrer à quel point le sport était dangereux à l'époque, car cela fait partie intégrante du récit. Donc, je ne pense pas que ce soit une facilité, loin de là. Mais une bonne description qui sert le propos.

    Et comme je l'ai dit chez Max, au cas où cela aurait éveillé ton intérêt, il y a un documentaire qui doit sortir sur la même période, qui s'appelle 1.

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    1. Un regard d'expert bien affuté di'donc ! Moi, j'avais remarqué qu'il y avait un coquelicot sur le bord du tracé de Nurburgring, ça ma limite gâché la projection ;)

      Pour le passage à l'hôpital, j'ai voulu quand même nuancé et bien appuyé sur le fait que, finalement, ces images qui peuvent paraitre racoleuse de prime abord, nourrisse finalement le propos. Je partage donc totalement ta logique.
      Je prend bonne note pour le docu. J'aimerais d'ailleurs bien découvrir celui sur Senna.

      Sinon, tu en pense quoi de la musique de Hans Zimmer ? Perso, je l'ai beaucoup aimé.

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    2. Ah, tu sais, le sport auto et moi, hein ;) Je crois que les amateurs du sport et ceux qui connaissent l'époque ont pu vraiment apprécier le film grâce à la précision technique et aux multiples clins d'oeil.

      Pour le docu sur Senna, c'est très consensuel et "orienté" dans le sens où Senna est le héros absolu, quelle que soit la situation. Si l'on peut s'interroger sur la politique dans le sport, la présentation des éléments polémiques (accrochages avec Prost, rivalité, relation avec la FIA) sont parfois trop "faciles". Il y a des tonnes d'images, d'interview très intéressantes, mais ça manque de recul par rapport au sujet je trouve. Je reste un grand fan du pilotage de Senna, flamboyant, spectaculaire et là, les images sont un régal. Le documentaire n'est pas nul, loin de là, il est même assez intéressant mais perfectible.

      Concernant la musique, elle est très sympa. Dans le film, l'intégration est excellente: sonorités classieuses, ancrées dans la période (le bon rock 70's, pur régal pour mes oreilles) voire héroïques. En stand alone, elle passe aussi très bien, mais on remarque bien vite les emprunts (Game of Thrones, Transformers en tête) et le recyclage - certes intelligent et bien à propos - des thèmes de Batman ou Inception. Par contre, l'usage de la guitare électrique est vraiment bon, et on sent que Zimmer a dû s'éclater de se côté là. Et on a enfin autre chose que du martèlement électronique des blockbuster, le Hans qui revient un peu vers la mélodie. Contrairement à toi, j'avais bien aimé la BO de Superman, mais celle-ci est clairement plus variée et travaillée.

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    3. Je prend note pour le docu sur Senna.

      Pour la musique de Rush, c'est vrai qu'on retrouve beaucoup d'emprunt à Batman ou Inception, mais cela reste, dans l'ensemble, d'excellente facture. Ça manque encore d'une pointe d'originalité pour réellement être inoubliable.
      Je ne suis pas contre les partitions guerrière et électronique, mais dans le cas de Superman que tu soulèves, j'ai trouvé que la bande-son tournait en rond, ne proposait rien d'autre que trois ou quatre thème et motif répété inlassablement. En plus, j'ai trouvé ça moche musicalement.

      Maintenant, j'attends beaucoup de son 12 Years A Slave. Cela sera peut-être le retour du Zimmer de La Ligne Rouge.

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  6. Un rien moins enthousiaste que toi mais je suis entièrement d'accord avec tout ce que tu dis. Un film de grande qualité porté par deux acteurs au top. Une très bonne surprise !

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    1. Je pense que peu de personne s'attendait à un tel film. On s'attends vraiment à tout avec Ron Howard.

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