29 avril 2013

Mission Impossible Protocole Fantôme - Technologie & Corps

Mission: Impossible Protocole Fantôme (2011)
Réalisateur : Brad Bird

Le billet d'aujourd'hui porte sur le dernier épisode de la saga Mission: Impossible et du rapport qu'il instaure entre la technologie et ses personnages.

Après une courte poursuite, l’agent Hanaway (Josh Holloway) est abattu de sang froid par une jeune tueuse (Léa Seydoux) dont les sombres desseins venait de lui être communiqué sur son portable. Depuis ses débuts sur grand écran en 1996, la saga Mission: Impossible n'a eu de cesse d'offrir des points de vue différents. Brian De Palma, John Woo, J.J. Abrams et aujourd'hui Brad Bird, tous ces cinéastes ont imposé leur style et leur regard sur le monde de l'espionnage. Cette fois, la domination technologique ne fera pas tout dans la réussite et la survie de nos espions du IMF mais il leur faudra également s'en détacher et puiser en eux les ressources nécessaires pour faire de leur mission un véritable succès. Dans ce Protocole Fantôme, la technologie, aussi utiles soit-elle, sera instable (les gants défectueux lors de la vertigineuse ascension du "mont" Burj Khalifa), menaçant constamment de faire échouer la mission voir même de mener les membres de l’équipe à leurs pertes.


D'une certaine façon, Mission: Impossible - Protocole Fantôme se rapproche de la perversité technologique développée par Brian De Palma (et dans une moindre mesure du bal des apparences orchestré par John Woo) dans le premier volet qui avait créé un superbe face à face entre l'homme et la machine avec la scène d'infiltration à Langley. Ici, que cela soit la programmation d'une évasion dans une prison russe, une poursuite en plein cœur d’une tempête de sable ou encore un combat final dans un parking automatisé, toutes ces séquences mêlent la sueur aux pixels, les GPS et autres équipements high-tech téléguidant les personnages vers des objectifs tels des programmes d’ordinateur ou des personnages de jeu-vidéo qui ne cherche par ailleurs même plus à exister en tant qu'être humain (le cas de l'agent Hanaway, qui a refuser d'écouter son instinct d'agent de terrain pour finalement confier sa vie à des lentilles ultra sophistiquées). C’est donc autant un combat contre le terroriste Cobalt qu’une recherche d'équilibre avec les lois de la technologie que mène Ethan Hunt et son équipe à une époque où le cinéma d’action ne mise que sur les aptitudes physiques de héros fuyant la puissance informatique à l'image de Jason Bourne, programme tentant de retrouver le contrôle de son humanité effacée par la bio-technologie. Des thèmes traités dans ce Mission: Impossible de façon excessivement ludique par le réalisateur Brad Bird, chargé ici de rebooster la franchise suite aux mauvais chiffres effectués par le troisième épisode.


Le théoricien du cinéma Jean Baptiste Thoret a par ailleurs comparé ce quatrième volet à un film d'animation, référence qui n’est pas à prendre à la légère au regard du curriculum vitae arboré par un réalisateur dont la carrière chez Pixar lui permet aujourd'hui de réaliser une aventure moins sérieuse et plus décontractée que ses aînées. A l'image des cartoons, la violence n'est ici jamais dramatisée (à l’inverse de M:I 3 et de sa scène de torture inaugurale), le méchant animé par la volonté d’atomiser le monde ne représente qu'une caricature du vilain issue de la Guerre Froide et les jurons en langue russe prennent la forme d’illustration propre au style bande dessiné. Ethan Hunt, acteur principal de cette frénésie animée, devient un héros indestructible. Son corps est renversé, projeté, brutalisé durant les deux heures quinze de métrage mais il s’en sortira finalement toujours indemne, sans égratignure. C'est un toon plongé dans le costume bleu de Bip-bip afin d'échapper à l’implacable tempête de sable qui le talonne et rattraper le vilain Wistrom qu'il poursuit. C'est un être protéiforme dont le corps se désintègre et se reconstitue dans les débris de pixels soulevés par l'explosion du Kremlin, balayant par la même occasion les vielles reliques des intrigues de Guerre Froide. Il est tout le monde (un neo-Steve McQueen dans la prison russe en rejouant une des scènes de La Grande Evasion, un général russe au Kremlin) mais reste toujours le même, dissimulant à peine ses traits derrière une vulgaire moustache postiche. Il apparaît dans la nuit et s’efface dans la vapeur, échappant à la réalité des hommes.


Astucieusement débarrassé de tout ce qui faisait de lui un simple mortel (sa relation avortée avec Julia n’est ici qu’un simple background sentimental sans réel importance pour la compréhension de l'intrigue), Ethan Hunt peut dès-lors redevenir le nouveau héros d’une nouvelle franchise moins sérieuse mais toujours plus impressionnante.

25 commentaires:

  1. Très intéressant cette analyse ! Où as-tu lu ces propos de Thoret sur le film ? "Cinéma contemporain mode d'emploi" ?

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    1. C'est dans sa critique (http://www.avcesar.com/test/bluray/id-1368/mission-impossible-protocole-fantome.html) et une émission radio qu'il a enregistré (http://www.franceculture.fr/emission-la-dispute-carnage-17-filles-hugo-cabret-mission-impossible-protocole-fantome-2011-12-13).

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  2. Etonnant que tu n'as pas cité le passage dans le Kremlin avec cet énorme trompe l'oeil. Sinon intéressant comme article, ça change des critiques! ;)

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    1. J'aurais pu mais j'ai préféré me focaliser sur la scène d'intro et la scène à Dubaï.

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    2. D'ailleurs la séquence de Dubaï laissera le pauvre Tom Cruise dans une facheuse position sur l'immeuble! ;) Encore un bel exemple de technologie défaillante!

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    3. Ou encore ce fameux passage de la serviette reproductrice ou le masque qui ne correspond pas du tout! Cet épisode prouve que les idées reçues sur la saga peuvent être considérablement remise en question.

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    4. C'est ce qui est drôle dans cette épisode, c'est qu'ils ne peuvent que s'en remettre à leur gadgets mais d'un autre coté ils sont défectueux.

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    5. Exactement. C'est d'ailleurs ce qui rajoute du piment dans cette aventure. Tout finit par partir en cacahuète à chaque fois qu'ils utilisent la technologie. Sinon petite question: où en est ton travail sur Spielberg?

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    6. Je suis sur la dernière ligne droite. Merci de prendre des nouvelles, c'est sympa :)

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    7. D'ailleurs je ne sais pas si tu l'as vu mais Suggarland Express va passer dans quelques jours sur Arte!

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    8. Je l'ai vu en DVD et il est vraiment très bon ce film. Dommage qu'il n'ai pas eu de succès.

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    9. Mais la seule récompense cannoise pour le futur président du Jury.

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    10. Moi je n'ai pas réussi à le trouver en DVD et j'espérais vraiment le voir à la TV. Merci Arte!

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  3. Brillante analyse, claire et limpide. J'adore. Je vois qu'on a les mêmes référents ;) (mais qu'est-ce qu'il peut m'énerver ce Thoret parfois, surtout quand je l'entends défoncer le dernier Wong Kar-Wai après avoir encensé l'imbitable "Spring Breakers")

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    1. Je me souviens aussi que tu avais aussi cité Thoret dans ta critique. Après, concernant ces prises de position, chacun possède ses petites contradictions et ses opinions étranges sur le cinéma.

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  4. Bien belle analyse en tout cas, la derniere partie est tres surprenante

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  5. Très intéressante analyse, et originale. Bravo et merci.

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  6. Un article très stimulant et intéressant ! L'aspect film d'animation est évident dans ce Mission impossible, Brad Bird reprend des codes comme l'affranchissement des lois physiques de la caméra (voir les plans séquences et les mouvements de caméras hallucinants), le sentiment de non-réalité (comme tu dis tout le monde se prend des coups mais s'en sortent parfaitement), ainsi que des hommages évidents à l'univers Pixar.

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    1. C'est vrai qu'il y a aussi cette réalisation très libre dans ses mouvements.
      Dans l'ensemble, le sentiment de voir un film d'animation est vraiment présent devant ce troisième opus et un autre réalisateur n'aurait pas pu injecter cette dose de dérision qu'il y a vis à vis de la mythologie Mission: Impossible.

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  7. Très jolie analyse, Bird en effet à relevé le niveau des scènes d'action en les rendant plus spectaculaires et en rendant son protagoniste invulnérable, essai que le dernier Die Hard n'a pas réussi hélas :p
    Yannick Dahan avait fait une brillante synthèse du thème de la fraternité et du recours à une technologie toujours obsolète dans un épisode d'Opération Frisson consacré au film. Ca donne envie de le revoir en IMAX tiens :D

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    1. J'ai aussi pensé au dernier Die Hard et à ses tentatives de faire du cartoon avec son vilain qui croque une carotte, ces poursuites sans fins et ce héros indestructible. Il faut avoir du talent pour réussir à amener une franchise vers autre chose mais malheureusement, John Moore en est dépourvu.
      Je jetterais un coup d'oeil à cet épisode d'Opération Frisson, Yannick Dahan m'amuse beaucoup en plus.

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